Fictions Sonores 6 questions à Caroline Prévinaire - Créatrice de Doulange & Macrales chez LVDT
1) Bonjour Caroline, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours jusqu’à la fiction sonore ?
Et puis, en 2018, je venais d’être maman et j’ai une amie qui m’a glissé sous le nez un appel à projet de la RTBF pour leur premier podcast de fiction. Je lui ai répondu que je ne savais même pas ce que c’était un podcast (je disais encore « postcast »), mais elle m’a répondu : « je suis sûre que tu vas avoir une idée ». La graine était plantée ! Un mois et demi plus tard, on rendait le dossier pour Doulange et on était pris. C’était ma première expérience d’écriture audio et de réalisation audio. Et heureusement, j’ai trouvé Katia Lanero Zamora sur mon chemin, qui a fait le travail d’écriture avec moi. Il faut savoir que, du développement à la diffusion, il s’est écoulé 4 mois. Donc c’était très très intense et une vraie “école de la vie” comme on dit.
Avec cette première expérience, je me suis rendue compte que le podcast me permettait la même chose que le théâtre de rue, c’est-à-dire: offrir des propositions culturelles fortes aux gens là où ils sont. Quand je faisais du théâtre de rue, c’était dans la rue, avec le podcast, c’est sur leurs téléphones portables. Je me suis aussi rendue compte que le secteur belge était pratiquement inexistant. Ça voulait dire qu’il fallait tout inventer. Et ça, c’était plutôt grisant. C’était un nouveau terrain de jeu où je pouvais amener mon expérience du secteur théâtral, mais pour développer un secteur. Du coup, on a complètement recentré notre compagnie de théâtre vers l’audio et le podcast.

2) Qu’est-ce qui vous a attiré dans le travail de la fiction sonore ? On travaille différemment dans ce domaine que dans d'autres domaines de la fiction ?
L’autre avantage de l’audio, comme au théâtre ou dans un livre, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut. L’exemple que je prends souvent c’est que : dans « Doulange », si on avait voulu faire exploser la centrale nucléaire, on pouvait. Il nous suffisait de trouver un son d’explosion dans une banque de sons. Alors que faire ça en audiovisuel, ça demande tout de suite des moyens assez colossaux pour ne pas avoir l’air “cheap”. C’est une grande liberté. On peut inventer tout ce qu’on veut, raconter tout ce qu’on veut, pour peu qu’on guide bien le trajet de l’auditeur dans la fiction et qu’on le prenne bien par la main. Et ça, c’est très agréable !
Peut-être qu’une spécificité unique à l’audio c’est qu’il faut penser en son et pas en image. Il faut rendre son imagination aveugle. C’est un peu anti-naturel comme démarche. On doit sans cesse jouer avec les couches de narration (voix, musiques, création sonore, bruitage et foley, etc.) pour arriver à guider le spectateur et son imaginaire. Dans mon process, j’ai pris l’habitude de laisser les épisodes “reposer” quelques jours et puis de les réécouter. Souvent, il y a plein de choses que je ne comprends plus. Ça m’oblige à recentrer la création pour revenir à l’essentiel : ce qui supporte l’imaginaire de l’auditeur.
3) On vous connaissait pour Doulange : un excellent polar en found footage, on vous retrouve avec Macrales : de petits contes horrifiques pour tous. C’est très hétéroclyte. Ce sont des commandes ou c’est vous qui aviez envie de raconter des histoires différentes ?
« Macrales », c’est un projet qui me tient très fort à cœur. J’ai une petite fille de 4 ans et, en fait, je ne savais pas comment lui transmettre le patrimoine et les légendes de la région où je vis. Notre dialecte, notre folklore se perdent... À force de les avoir formalisés dans des livres, on a oublié de se les transmettre... Donc, j’avais envie de recréer une expérience de la transmission orale avec les outils d’aujourd’hui. Et avec cette caractéristique de la transmission orale qui veut que les histoires évoluent pour refléter les enjeux de société de l’époque.
Cette première saison est consacrée à la Province de Liège, mais on espère pouvoir développer d’autres saisons pour les autres Provinces de Wallonie.

4) D’où viennent vos idées de départ pour ces fictions ? Le projet de vos rêves à l’audio, c’est quoi ? Il va se réaliser ?
J’ai pas vraiment de projet audio de rêve. Pour le moment, je suis toujours dans une phase d’exploration, d’apprentissage, d’amusement et d’émerveillement par rapport au son.
Le projet de rêve c’est peut-être simplement de bosser avec l’équipe qu’on a réunie. On s’amuse et ça, c’est le principal.
5) Vu de France, on a l’impression que la Belgique est un super laboratoire à fiction sonore qui produit beaucoup de studios indépendants, vous ressentez cette émulation ?
C’est ça qui fait qu’on a un terreau fertile à la création audio. Mais l’enjeu en Belgique, à l’heure actuelle (au-delà de construire des audiences aux podcasts belges) c’est de créer un secteur qui comprend les enjeux spécifiques au podcast (flux RSS, création de communauté, etc.) par rapport à la création radiophonique. Et on y travaille activement avec notre projet lvdt.audio.

6) Pour terminer cet entretien, avez-vous découvert d’autres créations audio que vous aimeriez partager avec nous ?
Pour «Doulange», mon inspiration c’était «Homecoming». Je l’ai décortiqué dans tous les sens pour réfléchir à ma réalisation audio. Et puis il y a «The Horror of Dolores Roach», toujours chez Gimlet.