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5 questions à Alex Tacchino - Créateur de Cockpit

1) Bonjour Alex, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours jusqu’à la fiction sonore ? Je suis acteur, à la base. J’ai commencé assez tôt dans le long-métrage Neuilly sa mère.  À la suite de ce film, j’ai tourné pas mal, tout au long mon adolescence. Beaucoup de projets à la télévision, quelques belles rencontres, mais trop peu d’histoires enrichissantes. Si j’ai toujours voulu être acteur, c’est pour me mettre dans la peau de personnages intéressants, dans leurs dilemmes, des personnages qui ont des choses à défendre, découvrir de vrais sujets, travailler avec de véritables passionnés. C’est tout ce que la télé ne me proposait pas.Il fallait que je prenne une décision forte. Je me suis mis à trier les projets dans lesquels je ne voulais plus jouer, quitte à ne plus vivre du métier d’acteur. Je suis parti bosser dans un restaurant. C’est dans ce moment de grande remise en question que je me suis mis à écrire et que j’ai réalisé que si personne ne me proposait d’histoires engagées et engageantes, je pouvais toujours le faire moi-même.Très vite m’est venu l’idée du son pour mettre en lumière mes histoires. Si l’image paraissait impossible et beaucoup trop chère, le son pouvait m’apporter une liberté gigantesque… J’étais loin d’imaginer à quel point.   2) Après Roy, la rencontre entre un souverain et un rappeur qui vont apprendre l’un de l’autre, on vous retrouve dans le Cockpit d’un vaisseau spatial à écouter les vannes et anecdotes que se balancent les deux pilotes. Le dialogue entre deux personnes, c’est ça qui vous plaît dans la fiction sonore ? En découvrant la fiction sonore, j’ai découvert un monde. La science du rythme, l’importance de l’immersion… Le but c’est de prendre l’auditeur par la main, le plus vite possible, le plonger, par l’intermédiaire d’une histoire, dans son propre imaginaire. Alors oui, les dialogues sont très importants dans cette quête. Dans ROY, les dialogues sont « rares », c’est la voix off qui leade et entraine l’auditeur.J’avais envie, dans Cockpit, de faire du dialogue un enjeu majeur, installer un ping pong entre les deux, laisser libre court aux punchlines qui me traversent parfois la tête.C’est un exercice que j’ai profondément aimé. Quand on installe un dialogue on découvre ses propres personnages, on se laisse souvent surprendre par l’un d’eux. C’est ça la magie du dialogue. Pour autant, ce qui m’anime dans une fiction sonore, ce ne sont pas uniquement les dialogues, c’est l’ensemble des ingrédients que l’on doit réunir pour plonger l’auditeur dans une histoire, lui faire accepter qu’il n'y aura pas d’image, mais que ça sera bien quand même.   3) Comment avez-vous travaillé sur ce projet ? Il y a une part d’impro ? On retrouve un rythme et une complicité excellents : c’est quelque chose qui vient de l’écriture, de l’acting, des deux ? On a eu la chance de pouvoir enregistrer en studio, gratuitement, grâce à la débrouille, grâce, surtout, à de bons complices. Sur les épisodes « pilotes » on enregistrait chacun notre tour chez moi, sous mon étendoir à linge, couvé par une couette. C’était pas idéal. Du coup, pouvoir enregistrer en studio Neil (Platini) et moi, en même temps, ça a été pour nous une véritable libération. Evidemment ça s’est ressenti au niveau du jeu, dans le rythme aussi, on a pu trouver une complicité, des automatismes.  Pour l’impro, ça dépend. Rien n’est fixé dans le marbre et on se laisse le droit de changer des mots, des phrases, de rajouter des punchlines et de se surprendre. Mais dans un fiction comme Cockpit où le rythme est primordial, on s’est vite rendu compte qu’on ne pouvait pas s’éparpiller trop loin du texte. En fait, l’impro arrive avant, quand on répète. Ensuite on se fixe sur quelque chose et on reste là-dessus.La surprise ne vient pas de l’impro mais des intentions de jeu.Cette complicité, elle existe grâce au fait que Neil et moi sommes amis depuis longtemps, qu’on a toujours rêvé de porter ensemble un projet. Cette complicité vient aussi du fait que Neil est un merveilleux comédien, ouvert, très réactif, avec un imaginaire immense. Le jeu, c’est une affaire de répondant, quand les acteurs prennent plaisir à jouer ensemble, c’est gagné.   4) Étonnamment dans Cockpit, le mixage s’éloigne des productions audiovisuelles : il y a un véritable travail sur la panoramique et la distance entre les personnages. C’est surprenant car de nombreuses créations actuelles ne font pas attention à ce détail qui change pourtant tout. De quoi ça vient selon vous ? Une envie lors de la réalisation ? Vous écoutez de la fiction audio et vous vous en êtes inspiré ?  L’immersion sonore de Cockpit, c’est sa plus-value. Dès que l’idée de cette fiction est venue, il a tout de suite été clair qu’il fallait mettre l’accent sur ça. J’ai toujours été un peu déçu des fictions sonores, pour être honnête, je n’en écoute pas des masses. Je trouve ça toujours un peu plat. Je ne voulais pas que Cockpit soit une histoire « bruitée », je voulais que Cockpit soit un film audio qui vous pousse à créer vos propres images. Pour arriver à cela, il fallait pousser les curseurs au maximum. Spatialiser. Donner des indices au cerveau pour le pousser à agir par lui-même. C’est le cas dans la littérature. On imagine toujours la lecture comme quelque chose de silencieux et figé. Lire c’est convoquer l’intégralité de ses sens. Si le livre nous entraine dans une scène d'inflitration en plein Tokyo, très vite le cerveau va inventer l’atmosphère sonore, l’odeur, le stress omniprésent lié à la situation, le coeur va alors s’emballer, vos mains seront moites. Le cerveau va nous investir corporellement dans la scène. C’est exactement ce qu’on a voulu faire avec Cockpit. On va aller plus loin pour la saison 2.  Si l’immersion est si bien réussie dans Cockpit c’est grâce à mon ami Lou, un magicien, le meilleur technicien de la bordure extérieur. Ensemble, on donne vie à l’univers, au Yop D-505. Sans lui, cockpit serait probablement une de ces fictions pleines de bonnes idées mais sans relief.    5) Le projet de vos rêves à l’audio, c’est quoi ? Il va se réaliser ? Mon projet de rêve à l’audio, c’est Cockpit ! J’ai toujours rêvé de créer un univers de science fiction, je ne compte pas le lâcher de si tôt. Maintenant j’aimerais qu’il se poursuive, qu’il grandisse. Mon plus grand rêve finalement, ça serait de pouvoir repousser les limites du son, créer quelque chose dont les auditeurs se souviendront, une attraction dans vos oreilles. Vivement la saison 2.

6 questions à Caroline Prévinaire - Créatrice de Doulange & Macrales chez LVDT

1) Bonjour Caroline, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours jusqu’à la fiction sonore ?  Je suis comédienne de formation et licenciée en théâtre à l’IAD. J’ai fait du théâtre de rue pendant 10 ans avec, entre autres, un spectacle qui alliait les projections monumentales avec des acteurs en live : “Y a de la lumière chez l’voisin !”.  Et puis, en 2018, je venais d’être maman et j’ai une amie qui m’a glissé sous le nez un appel à projet de la RTBF pour leur premier podcast de fiction. Je lui ai répondu que je ne savais même pas ce que c’était un podcast (je disais encore « postcast »), mais elle m’a répondu : « je suis sûre que tu vas avoir une idée ». La graine était plantée ! Un mois et demi plus tard, on rendait le dossier pour Doulange et on était pris. C’était ma première expérience d’écriture audio et de réalisation audio. Et heureusement, j’ai trouvé Katia Lanero Zamora sur mon chemin, qui a fait le travail d’écriture avec moi. Il faut savoir que, du développement à la diffusion, il s’est écoulé 4 mois. Donc c’était très très intense et une vraie “école de la vie” comme on dit.Avec cette première expérience, je me suis rendue compte que le podcast me permettait la même chose que le théâtre de rue, c’est-à-dire: offrir des propositions culturelles fortes aux gens là où ils sont. Quand je faisais du théâtre de rue, c’était dans la rue, avec le podcast, c’est sur leurs téléphones portables. Je me suis aussi rendue compte que le secteur belge était pratiquement inexistant. Ça voulait dire qu’il fallait tout inventer. Et ça, c’était plutôt grisant. C’était un nouveau terrain de jeu où je pouvais amener mon expérience du secteur théâtral, mais pour développer un secteur. Du coup, on a complètement recentré notre compagnie de théâtre vers l’audio et le podcast. Photo issue du flux YouTube de la RTBF : https://www.youtube.com/watch?v=iYAxhbMv_2A   2) Qu’est-ce qui vous a attiré dans le travail de la fiction sonore ? On travaille différemment dans ce domaine que dans d'autres domaines de la fiction ? Ce qui me plait beaucoup dans l’écriture audio, c’est son côté hybride. À la fois on est dans de l’audiovisuel et en même temps, on a les codes et les conventions du théâtre ou de la littérature. Ça veut dire que l’auditeur doit faire la moitié du chemin vers l’histoire qu’on lui raconte. Les images se construisent dans son imagination. C’est lui qui donne des visages aux personnages, etc. On raconte l’histoire ensemble et l’auditeur est obligé de s’impliquer dans le processus. L’autre avantage de l’audio, comme au théâtre ou dans un livre, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut. L’exemple que je prends souvent c’est que : dans « Doulange », si on avait voulu faire exploser la centrale nucléaire, on pouvait. Il nous suffisait de trouver un son d’explosion dans une banque de sons. Alors que faire ça en audiovisuel, ça demande tout de suite des moyens assez colossaux pour ne pas avoir l’air “cheap”. C’est une grande liberté. On peut inventer tout ce qu’on veut, raconter tout ce qu’on veut, pour peu qu’on guide bien le trajet de l’auditeur dans la fiction et qu’on le prenne bien par la main. Et ça, c’est très agréable !Peut-être qu’une spécificité unique à l’audio c’est qu’il faut penser en son et pas en image. Il faut rendre son imagination aveugle. C’est un peu anti-naturel comme démarche. On doit sans cesse jouer avec les couches de narration (voix, musiques, création sonore, bruitage et foley, etc.) pour arriver à guider le spectateur et son imaginaire. Dans mon process, j’ai pris l’habitude de laisser les épisodes “reposer” quelques jours et puis de les réécouter. Souvent, il y a plein de choses que je ne comprends plus. Ça m’oblige à recentrer la création pour revenir à l’essentiel : ce qui supporte l’imaginaire de l’auditeur.   3) On vous connaissait pour Doulange : un excellent polar en found footage, on vous retrouve avec Macrales : de petits contes horrifiques pour tous. C’est très hétéroclyte. Ce sont des commandes ou c’est vous qui aviez envie de raconter des histoires différentes ? Mon métier à moi, c’est de raconter des histoires quelles qu’elles soient pour des publics différents. Je n’ai pas de marotte, de choses que j’aime plus faire que les autres. Ce que j’aime, c’est raconter des histoires et raconter des personnages qui me visitent. Après “Doulange”, il y a eu « Terre de brume » une adaptation que j’ai faite pour la RTBF d’un roman fantasy pour les 12-15 ans et puis maintenant "Macrales" et “Petits Génies”. D’ici juin on sortira “Transmission”, on est aussi en train de développer un podcast d’horreur pour la chaîne belge Tipik... Ce sont des projets très différents. « Macrales », c’est un projet qui me tient très fort à cœur. J’ai une petite fille de 4 ans et, en fait, je ne savais pas comment lui transmettre le patrimoine et les légendes de la région où je vis. Notre dialecte, notre folklore se perdent... À force de les avoir formalisés dans des livres, on a oublié de se les transmettre... Donc, j’avais envie de recréer une expérience de la transmission orale avec les outils d’aujourd’hui. Et avec cette caractéristique de la transmission orale qui veut que les histoires évoluent pour refléter les enjeux de société de l’époque.Cette première saison est consacrée à la Province de Liège, mais on espère pouvoir développer d’autres saisons pour les autres Provinces de Wallonie. Illustration Julie Gelon pour Macrales   4) D’où viennent vos idées de départ pour ces fictions ? Le projet de vos rêves à l’audio, c’est quoi ? Il va se réaliser ? Les idées émergent de rencontres, de discussions, d'appels à projets qu’on voit passer. Pour avoir des idées, il suffit d’écouter et d’observer le monde qui nous entoure. J’ai pas vraiment de projet audio de rêve. Pour le moment, je suis toujours dans une phase d’exploration, d’apprentissage, d’amusement et d’émerveillement par rapport au son. Le projet de rêve c’est peut-être simplement de bosser avec l’équipe qu’on a réunie. On s’amuse et ça, c’est le principal.   5) Vu de France, on a l’impression que la Belgique est un super laboratoire à fiction sonore qui produit beaucoup de studios indépendants, vous ressentez cette émulation ? En Belgique, on a pas énormément de studios indépendants, en fait, on en a très peu. Il y a lvdt, We tell stories et puis des créateurs indépendants. Par contre, ce qu’on a, c’est une grande tradition de la création radiophonique. Avec, entre autres aussi, le fond d’aide à la création radiophonique (le FACR) où des artistes peuvent aller chercher des subsides pour créer leurs fictions ou leurs documentaires. C’est ça qui fait qu’on a un terreau fertile à la création audio. Mais l’enjeu en Belgique, à l’heure actuelle (au-delà de construire des audiences aux podcasts belges) c’est de créer un secteur qui comprend les enjeux spécifiques au podcast (flux RSS, création de communauté, etc.) par rapport à la création radiophonique. Et on y travaille activement avec notre projet lvdt.audio. Site lvdt.audio un site bibliothèque de podcasts avec de nombreux articles passionnants sur le média   6) Pour terminer cet entretien, avez-vous découvert d’autres créations audio que vous aimeriez partager avec nous ? Si je devais recommander le travail de quelqu’un je commencerai par celui de Mehdi Bayad. Après, j’écoute surtout des fictions en anglais. D’abord il y a «Two princes» de Gimlet Media. C’est un podcast qui m’a inspiré pour «Terre de brume» ou «Macrales». Pour «Doulange», mon inspiration c’était «Homecoming». Je l’ai décortiqué dans tous les sens pour réfléchir à ma réalisation audio. Et puis il y a «The Horror of Dolores Roach», toujours chez Gimlet.        

Nuit Sans Image 2022 - Le Replay

Le 5 mars 2022 a eu lieu la 3ème edition du concours La Nuit Sans Image qui récompense les fictions terminées l'année précédente (2021 dans ce cas). Le replay de la cérémonie vient d'être mis en ligne par l'équipe de la NSI et vous pouvez aller l'écouter sur leur site à cette adresse :  https://nuitsansimage.fr/replay   Retrouvez aussi tous les participants sélectionnés pour cette édition, il y a beaucoup de choses très cools à entendre ! https://nuitsansimage.fr/participants

Rencontre autour des fictions sonores à Podrennes

Photo par Irslo (https://www.irslo.net) Pendant l'évènement PodRennes 2022 un créneau d'une heure a été consacré à la fiction sonore. Johnny et François TJP ont reçu 3 invité.e.s (Ranne Madsen, Lolly et Walter Proof) pour discuter de leur façon d'aborder ce média, de travailler et de faire un "état des lieux" des séries audio en 2022. Vous pouvez retrouver cet échange en audio :     Ou en vidéo :   N'hésitez pas à nous laisser un commentaire pour poser des questions ou compléter la discussion !

Fiction sonore, série audio, saga MP3... de quoi s'agit-il ?

Dérivée des fictions radiophoniques, la série audio a fait son arrivée sur le web au début des années 2000 dans un format facile à partager : le mp3. Depuis, elle n'a fait qu'évoluer et grandir. Aujourd'hui on y trouve autant de genres et de styles que dans le monde de la fiction des séries TV et des films : humour, polar, thriller, horreur... il y en a pour tous les goûts et c'est pour les présenter que cette bibliothèque a été créée. Certaines créations sont disponibles en un unique épisode que l'on appelle souvent "mono" ou "one-shot", d'autres sont des séries avec plusieurs épisodes et parfois plusieurs saisons. Les créatrices et créateurs y mettent en avant des scénarios riches et pensés pour l'audio en donnant la part belle aux dialogues bien sûr mais aussi aux bruitages, aux ambiances et aux musiques dans un but bien précis : vous faire venir des images dans la tête pendant l'écoute.   Bonne découverte !